Putain, chié, merde

Publié le par Psyblog

 

Autant certains enfants que je reçois en consultation s'efforcent de parler correctement, et même obsessivement correctement (je reçois deux jeunes filles, en ce moment, qui "choisissent" leurs mots, quitte à les employer parfois de travers mais qui s'expriment dans un langage digne d'un grammairien au sein d'une société savante), autant certains enfants ne s'embarrassent pas, mais alors pas du tout, des conventions habituelles du langage.

Que des caca-boudin sortent de la bouche de petits de trois ans m'amuse plutôt, mais que des putain-chié-merde sortent de la bouche d'enfants de six-dix ans m'écorche un peu les oreilles. Non que je sois autrement sensible des oreilles (oui, bon, je souffre d'hyper-acousie mais là n'est pas le problème), mais quand même !

 

Lorsque ce petit bonhomme de six ans est entré dans mon cabinet l'autre jour, et que, découvrant les jouets dans la salle d'attente il s'est écrié Putain maman viens voir y'à un camion de pompier je me suis spontanément dit que dans cette famille il était donc permis d'appeler sa mère Putain maman (Oui oui, soyons proche des mots !).

Lorsque, jouant avec la voiture de pompiers en question et sans doute lui donnant fonction de voiture de police il a "arrêté" une autre petite voiture sur le tapis routier et qu'il a "joué" une arrestation en bonne et due forme d'un chauffard en le traitant de connard tu vas voir toi je vais te faire bouffer ta queue (sic), je me suis décidément dit que dans cette famille le langage devait être peu... comment dire... surveillé. Et imagé pour le moins !

Et lorsque j'ai reçu la maman et qu'elle ne pouvait pas prononcer une phrase sans la ponctuer de putain, chié, merde, connard (ça c'était à propos de son fils), con, et re-chié et re-merde, je me suis dit que décidément les chiens ne font pas des chats et que le terme de "reproduction" avait bien du sens.

 

Si les mots existent, c'est pour qu'on les emploie, j'en conviens. Mais les mots ont un sens, et c'est bien les maltraiter que de les utiliser à contre-sens, non-sens, sens interdit, et maltraiter la langue et la relation verbale et au-delà "l'autre" à qui l'on s'adresse.

Si les mots n'avaient pas de sens (mon système d'écriture automatique me proposait "sensualité" -c'est joli de penser que les mots ont une sensualité ! Ben tiens !), nous pourrions les utiliser comme bon nous semble. C'est la question classique de l'enfant demandant pourquoi la lune s'appelle lune et pourquoi pas soleil mais qu'on pourrait changer comme ça la lune serait le soleil et le soleil la lune. Or ils en ont un. Ils veulent dire quelque chose. C'est d'ailleurs leur fonction première. Alors, que des mots comme putain, chier, merde, con, connard etc existent, c'est normal. Mais Mon Dieu (Non ce n'est pas un gros mot), ne les utilisons pas là où ils n'ont rien à faire ! Les conventions sociales et langagières existent, bordel !

Ce n'est pas de la morale, c'est la reconnaissance que les mots ont un sens.

Dans la bouche de ce petit, sans doute ont-ils aussi un sens, je ne vais pas leur enlever cela, ni aux mots ni à ce petit garçon. Mais m'enfin quand même !

 

Je n'ai jamais, pour ma part, été grand producteur de "gros mots". Bien sûr, un Merde ! ou un Bordel ! m'échappent parfois, même un con. C'est quand je suis vraiment en colère, enfin, quand je suis en colère contre moi ou même presque gentillement contre d'autres. Et ces mots prennent alors toute leur importance. Et je leur accorde toute mon attention lorsqu'ils sont prononcés aussi par d'autres pour exprimer leur colère, leur déception ou leur désapprobation. Mais lorsqu'ils sortent comme ça sans raison de la bouche d'un petit ou même d'un plus grand, ils m'écorchent les oreilles.

Il m'est arrivé plusieurs fois, en camping ou sur une plage, par exemple, de reprendre des mômes criant bien fort des merde et des chié et autres mots doux de ce genre, en leur disant que je n'étais pas là pour entendre ce genre de mots -Qu'est-ce que vous voulez, peut-être des fois on devient chiant avec l'âge.

 

Bon ! Ce petit garçon à gros mots et sa maman elle aussi à gros mots ? Je vous le donne en mille : On vient vous voir parce que son comportement et surtout son langage posent des problèmes à l'école... Il dit tout le temps des gros mots et les autres putain de parents se plaignent. Viens ici p'tit con (sic), viens écouter le monsieur !

Aaaaahhhhhh ! Je défaille ! Vite, les sels !

 

Y'a pas à dire, les enfants sont de sacrés imitateurs !

 

 

 

Et on vient voir le psychologue pour cela ! Parce que les mots employés par un enfant ne sont pas conformes à ce que l'on peut en attendre ! Parce que sans doute une habitude verbale a été prise et qu'il est très difficile de se débarrasser d'une habitude. Autant pour un enfant que pour un adulte. Sans doute va-til falloir ici que la maman (et le papa, ben tiens) apprennent à parler autrement de et à leur fiston. Et que peut-être et que même surtout ils comprennent que les mots ont un sens.

Euh ! Une petite chose encore mais peut-être j'en ferai un autre article : les mots écrits ont un sens, aussi, et la ponctuation, et la "présentation"... Mais bon, ce sera pour une autre fois.

Publié dans Education

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S
<br /> Bonjour<br /> <br /> Je tombe sur votre site par hasard (enfin non, pas vraiment, je l'avoue, je cherchais une solution et les clics de ma souris m'ont menée sur votre blog).<br /> Je me permets de me présenter brièvement, j'ai 20 ans, et 4 années de consultation avec un psychiatre derrière moi. De ces 4 années, ont émergé un diagnostique : bipolaire, cela dit, ce n'est pas<br /> l'ojet de mon message.<br /> <br /> Ce qui m'intéresse sur votre site, c'est votre façon d'analyser les situations (normal me direz-vous, c'est votre métier). Cependant, vous semblez avoir les clés de la langue française et c'est là<br /> que je veux en venir (pas besoin d'aide technique, j'ai un bac littéraire en poche). Je pense maîtriser les mots, j'aime les mots, j'aime cette langue qui est si complexe et intéressante, je pense<br /> la maîtriser en orthographe, en écriture (j'écris beaucoup), mais là où je bloque, c'est de pouvoir faire sortir des mots de ma bouche dans le bureau du psychiatre.<br /> A chaque consultation, je me prépare, j'écris parfois une liste de ce qu'il faut que je dise, de ce qui me pèse, j'y pense dans la salle d'attente, et j'arrive devant lui et RIEN. Je suis incapable<br /> de lui parler, je réponds à ses questions par "oui" ou "non" ou "peut-être", je dis des choses pathétiques (et toujours les mêmes) et quand il me demande comment ça se passe pour moi, je réponds<br /> comme la dernière fois, ce qui n'est pas le cas, ce n'est jamais comme la dernière fois, ce n'est pas possible de toutes façons, lui et moi le savons très bien. Quand il me demande si j'ai quelque<br /> chose à ajouter (ultime perche qu'il me tend), je réponds bien évidemment "non". Et je repars chez moi fumant une cigarette les yeux remplis de larmes, m'en voulant de ne pas lui avoir dit ce que<br /> je voulais lui dire et enfin, regardant pathétiquement le petit papier blanc sur lequel est inscrit le prochain rendez-vous en me disant que cette fois, je lui parlerai. Je le vois, il fait des<br /> efforts pour me faire parler et je lui en suis très reconnaissante.<br /> Alors pourquoi est-ce que je n'arrive pas à lui parler ? N'importe qui me répondrait "change de psy" mais non, je ne veux pas, je le respecte, j'ai confiance en lui (oui oui, je vous l'assure<br /> malgré les apparences) et en plus, il fait des efforts pour m'aider (il m'a déjà énormément aidée !).<br /> Le problème, ce n'est pas lui, c'est bel et bien moi. C'est ça le problème, je m'adresse à vous afin de vous demander conseil. Quelles choses pourrais-je faire, quelles questions me poser (ou ne<br /> pas me poser)...<br /> A force de réfléchir, j'aurais bien une réponse à ma question, je pense que mon égo disproportionné m'empêche de dire ces choses si pitoyables sur moi-même et sur ma vie, même si je sais que je ne<br /> serai pas jugée par le médecin. Mais même en le sachant, les mots ne sortent pas. Enfin je vous poste ce message en étant presque certaine que vous ne me répondrez pas, et je le comprendrai. Vous<br /> n'écrivez pas ce blog pour avoir des filles pitoyables qui vous écrivent, je suppose (et j'espère) que votre temps libre est utilisé librement c'est-à-dire sans obligation de me répondre.<br /> <br /> Je finirai en vous remerciant de m'avoir lue et d'écrire un blog très intéressant (ce qui est assez rare sur la blogosphère)<br /> <br /> Cordialement,<br /> Sandrine<br /> <br /> <br />
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N
<br /> très intéressant cet article, justement j'en parlais ce matin , je pense que nous vivons dans un monde pourri, en crise et que pour certains/certaines les jurons sont un moyen de garder la tête<br /> hors de l'eau; il y a d'autres moyens mais les connaissent-ils ? , la société (télévision, médias, école...) n'aide pas non plus....sommes nous dans une impasse ?<br /> <br /> <br />
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M
<br /> c'est horrible que des parents puissent laisser faire cela...<br /> <br /> <br />
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