Les malédictions familiales
Ainsi peut-on parfois appeler les idées reçues, les idées données, les traditions, parfois... enfin, tout ce qui, peu ou prou, détermine les représentations que l'on se transmet au sein des familles.
Nous vivons tous, en effet, au sein de pensées dominantes, en général celles, enfant, de nos parents et de notre entourage, pensées et représentations souvent renforcées au cours de l'enfance et de l'adolescence, et contre lesquelles le combat est parfois difficile...
Entendons-nous bien, toutes les représentations ne sont pas des malédictions, loin de là et heureusement. Dans ce que nous aprenons de nos parents, il est beaucoup de bonnes choses, mais parfois se glissent dans nos esprits des représentations tordues, fausses, empêcheuses de vivre normalement, de vivre bien, voire de vivre tout court, comme si celles-ci s'imposaient à nous sans qu'on n'y puisse grand-chose.
Tu verras, la grossesse est quelque chose de terrible... Tu verras lorsque tu auras des enfants... Tu verras, la vie de couple, ce n'est pas facile... Prépares-toi à souffrir pour l'accouchement... La vie est un combat... Le sexe, c'est sale (enfin, on ne dit pas ça, mais on le laisse entendre) La retraite ? On croit que c'est bien, mais en fait on s'ennuie à en mourir... Tu sais ma fille, ne fais jamais confiance à un homme, ce sont tous des cons... Fais attention mon fils, les filles n'en veulent qu'à ton argent... Ne te marie jamais... La vie n'est pas un long fleuve tranquille... Les garçons ne pensent qu'au sexe...La vie est un combat de chaque jour... Méfie-toi des gens, ils ne sont pas tous honnêtes... Les garçons ? Ils sont terribles, vaut mieux avoir des filles... Bon, je vais m'arrêter là...
Comme moi, vous avez certainement entendu l'une ou l'autre de ce genre de phrases, de celles qui, sous couvert éducatif, sous couvert d'apprentissage de la vie, sous couvert de transmission d'une certaine philosophie de la vie, entrainent parfois les enfants dans des représentations désastreuses.
La jeune femme qui sort de mon cabinet en a sans doute entendu plus qu'à son tour, de ce genre de phrases tueuses, qui lui font dire aujourd'hui, d'une manière quelque peu naïve mais très humblement, que dans les couples, il y a toujours un dominant, que le sexe, c'est sale, que on doit tout dire à sa propre mère...etc... Elle vit tellement avec ces représentations-là, maternelles, qu'elle est inacapable de vivre et de se projeter dans une vie conjugale pasible, inacapable de se penser «bonne» personne, incapable même de se donner le droit d'être heureuse.
Dans une lettre écrite à la fin de ma «Lettre pour une histoire inachevée», j'écris à Marie «Ne laisse pas tes filles penser que les hommes sont des cons»... Voilà, elle est là, la malédiction familiale, celle d'imprimer chez l'enfant et même chez le jeune adulte des représentations condamnantes, des représentations qui ne sont vraies que parce qu'on les dit vraies.
Ne nous y trompons pas, l'éducation, et simplement la vie, nos paroles, nos actes, impriment chez nos enfants une représentation de la vie telle que nous la percevons, nous, parents. Ce n'est pas négatif en soi, c'est le fondement-même de la parentalité... Sans doute cependant est-il profitable que nous soyons un peu attentifs à nos paroles négatives, à nos propos condamnants, et finalement à ce qu'on leur transmet de nos propres peurs, craintes, déceptions et «ratés» de notre vie à nous.
Les garçons de la famille se font tous avoir -par les femmes... aura été, pour ma part, la seule malédiction familiale contre laquelle j'ai dû lutter... et que j'ai cassée très vite... J'ai en effet compris assez tôt que si les hommes de la famille se faisaient «avoir» par les femmes, c'est qu'ils le voulaient bien, et qu'il n'y avait aucune fatalité dans la reproduction, au demeurant fausse, de cette représentaton familiale du rapport homme-femme.